L’incidentalome surrénalien désigne une masse surrénalienne découverte fortuitement lors d’un examen d’imagerie abdominale, le plus souvent un scanner. Ceci exclut les lésions découvertes intentionnellement (bilan d’extension des cancers, bilan d’hypertension artérielle etc..).
L’état de l’art et la conduite à tenir ont récemment fait l’objet de recommandations d’experts de la Société Européenne d’Endocrinologie, dont s’inspire ce document.
Les incidentalomes surrénaliens sont-ils fréquents ?
Oui, car vraisemblablement la glande surrénale développe des nodules avec le vieillissement. Des nodules surrénaliens peuvent être retrouvés chez 10% des sujets examinés dans les autopsies. Avec les techniques de scanner actuelles, des incidentalomes surrénaliens sont découverts chez environ 4% des patients de plus de 50 ans. Dans 80% des cas, les incidentalomes siègent au niveau d’une seule glande surrénale.
Quels sont les principaux problèmes posés par les incidentalomes surrénaliens ?
Le principal problème est de reconnaitre les tumeurs qui auront un impact délétère sur le patient et qui justifient donc d’être enlevés chirurgicalement. Parmi les nombreuses étiologies (causes) des incidentalomes, ceux qui justifient une chirurgie sont les corticosurrénalomes malins ou les tumeurs sécrétant des hormones (phéochromocytome, adénome cortisolique responsable d’un syndrome de Cushing, adénome de Conn responsable d’une hypertension artérielle avec fuite urinaire de potassium). La prévalence de ces lésions au sein des incidentalomes est variable selon le mode de recrutement des patients (série chirurgicale, série de cancérologie, etc.). Dans un recrutement d’endocrinologie chez des patients n’ayant pas de cancer évolutif, les lésions préoccupantes sont très minoritaires et ne représentent qu’environ 10% des incidentalomes. La grande majorité sont donc des lésions bégnines et non sécrétantes (le plus souvent adénome cortical non sécrétant) qui ne justifient pas d’être opérés.
Comment reconnaitre les incidentalomes justifiant d’être opérés ?
La recherche de l’étiologie de l’incidentalome repose sur des éléments cliniques, des éléments de biologie et des éléments de radiologie. Ceux-ci doivent être prescrits avec pertinence afin de ne pas multiplier les examens inutiles et nous n’évoquerons ici que le bilan indispensable.
Le scanner joue un rôle fondamental mais mérite souvent d’être refait car lors de la découverte de l’incidentalome, celui-ci est souvent réalisé d’emblée avec une injection de produit de contraste. En effet, l’analyse de la densité spontanée (sans injection) de l’incidentalome est très informatrice : les tumeurs de taille modérée (inférieures à 4 cm), au contenu homogène et dont l’analyse de la densité est faible sont toujours des adénomes bénins de la corticale. Le scanner permet aussi d’identifier parfois d’autres lésions bénignes telles que kyste, myélolipome, etc. ou de diagnostiquer une tumeur maligne évoluée comme le corticosurrénalome.
Lorsque la nature de l’incidentalome ne peut pas être déterminée par le scanner sans injection, on peut réaliser d’autres investigations radiologiques telles étude de la vidange de produit de contraste lors du scanner, IRM et TEP-Scan (1) au FDG (2). Ce dernier, d’apparition plus récente joue un rôle majeur dans l’investigation des patients ayant un antécédent de cancer. Une fixation intense du TEP FDG oriente essentiellement (mais ne peut à elle seule diagnostiquer) vers un incidentalome malin (corticosurrénalome malin, métastases) ou un phéochromocytome (bénin ou malin).
Dans le bilan biologique, il est ainsi recommandé de systématiquement réaliser un dosage sanguin et/ou urinaire des métanéphrines pour rechercher un phéochromocytome ; un dosage d’aldostérone et de rénine en cas d’hypertension artérielle pour rechercher un adénome de Conn ; un test de freinage minute à la Dexaméthasone (dosage du cortisol matinal après prise de 1 mg de Dexaméthasone) pour rechercher un excès de sécrétion de cortisol. D’autres dosages hormonaux sont possibles mais ne sont pas à réaliser en première intention, sauf lorsqu’il existe des éléments cliniques ou biologiques d’orientation vers une cause précise.
(1) TEP-Scan : tomographie par émission de positons
(2) FDG : 18 F]-fluorodéoxyglucose traceur faiblement radioactif
Les causes d’incidentalomes sont-elles différentes lorsque ceux-ci sont unilatéraux ou bilatéraux ?
La découverte d’incidentalomes bilatéraux doit conduire à rechercher une insuffisance surrénalienne dans le cadre de lésions ayant envahi les glandes surrénales et de rechercher une forme atténuée de bloc enzymatique en 21-hydroxylase qui peut entrainer à l’âge adulte des nodules surrénaliens bilatéraux. Une sécrétion autonome de cortisol serait également plus fréquente en cas de lésions bilatérales que de lésions unilatérales (cf adénome cortisolique infra clinique).
Les incidentalomes peuvent-ils être responsables d’une sécrétion modérément intense d’hormones qui passent inaperçue ?
C’est effectivement le cas pour le cortisol. Des incidentalomes souvent appelés « adénomes cortisoliques infra cliniques » peuvent sécréter de manière autonome du cortisol mais de manière très modérée et n’entrainant pas de syndrome de Cushing évident. Ceux-ci sont dépistés par le test de freinage minute et leur confirmation qui est délicate demande la réalisation d’autres tests biologiques en milieu spécialisé. Ces lésions ont-elles un impact négatif sur la santé qui justifie de les opérer ? un certain nombre d’études convergent dans ce sens avec notamment une augmentation du risque cardiovasculaire. Le bénéfice de la chirurgie qui est très vraisemblable reste à établir de manière scientifique ce qui est actuellement en cours d’étude (Etude multicentrique CHIRACIC, investigateur principal Professeur TABARIN – Bordeaux, financée en partie par l’Association Surrénales).
Comment et combien de temps doit-on surveiller les incidentalomes qui ne sont pas opérés ?
Cette question a été beaucoup débattue et a conduit à des recommandations très variables. Les experts de la Société Européenne d’Endocrinologie recommandent une réduction des modalités de suivi. En effet les études de suivi publiées montrent que les adénomes diagnostiqués au scanner n’évoluent jamais défavorablement et restent bénins. De même, les incidentalomes avec un bilan hormonal initial normal ont moins de 1% de chance d’évoluer vers une tumeur sécrétante.
Il est donc recommandé par la Société Européenne d’Endocrinologie de ne pas réaliser de surveillance systématique par des examens biologiques ou radiologique dans ces cas. En cas d’apparition de symptôme clinique dans le cadre d’un suivi médical classique, on pourra être amenés à réaliser de nouveau des examens. On sera particulièrement vigilant dans le cas des adénomes cortisoliques infra cliniques non opérés en cas de modification clinique (apparition d’HTA, de diabète sucré, prise de poids etc…).
Conclusion
Les incidentalomes surrénaliens sont fréquents après 50 ans mais, dans un recrutement endocrinologique, sont le plus souvent des tumeurs bénignes et non sécrétantes. Le bilan initial est particulièrement important car il conditionne l’indication d’une chirurgie et la nature du suivi qui devra être réalisé. Selon les recommandations de la Société Européenne d’Endocrinologie, il est indispensable que les patients porteurs d’incidentalomes soient examinés dans des centres experts en pathologie surrénalienne en cas de lésion sécrétante, lorsqu’une chirurgie est envisagée ou en cas de doute sur le diagnostic étiologique lors du bilan initial.
Le texte de cette plaquette a été écrit pour l’association Surrénales par le Pr Antoine Tabarin, service d’endocrinologie du CHU de Bordeaux, Centre de Compétence des maladies rares de la surrénale et de l’hypophyse.
© Septembre 2017